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FRAISE ET CERISE

Blog de brèves nouvelles plutôt humoristiques fraîchement écrites par deux auteurs : Fraise et Cerise.

la porte

Publié le 14 Août 2006 par Fraise in nouvelles

     La maison est fermée, sombre et silencieuse. Marie a couché les enfants, éteint les lampes et s’est assise sur le canapé, un plaid sur les jambes, en face de la cheminée où de petites flammes sautillent. Ses longs doigts maigres entourent une tasse de chocolat fumant. Elle regarde fixement le feu. Ses cheveux blonds prennent des reflets roux dans cette pénombre agitée par les flammes qui soulignent les rides de son visage. Ses yeux bleus gris ne bougent pas, comme éternellement perdus.

    Il faut que je voie le monde autrement. Après tout, quand on fait de la pâte à modeler avec les enfants, les arbres sont bleus, les chats orange, les soleils verts. Ça ne nous dérange pas…Alors, voilà, les hommes sont infidèles. Les femmes triment. Elles travaillent, s’occupent des enfants, ne sortent pas le vendredi soir, elles. Elles ont peur qu’on leur prenne leur homme. Elles sont comme un port vers lequel il revient, théoriquement. Et le retour n’est pas toujours direct …De toute façon, je ne suis pas à plaindre ! La maison est comme je la voulais : deux bureaux, le dressing, la cheminée, les Chesterfield, l’argenterie, la salle de bains contiguë à la chambre, la piscine, le jacuzzi …Tout est si beau ! C’est à moi tout ça ! Comme les enfants. Ils sont tellement magnifiques !…Tout va bien, alors ?

    Non… Non… Je sais que je me mens, que je lutte tout le temps. Ne t’adresser aucun reproche, sourire, être belle, disponible et aimable. Je ne veux pas être une de ces femmes aigries de la génération d’avant. Ce ne serait jamais moi, ces femmes-là. Je voulais tout réussir : mon travail, ma famille, mon couple. Mais je sais que je m’abîme dans cette vie. Je me cogne partout à tes images-toi avec d’autres. Comment tu fais pour ne rien voir ? A la maison, tu t’engloutis dans le sommeil. Tu gardes tes paroles et ton énergie pour dehors. Là où je ne suis pas.

    Je le savais tout ça. Je l’ai vite compris. J’ai vu tes regards sur les autres, tes réunions de plus en plus tardives, tes week-ends de travail, tes numéros de portables qui se multipliaient…Pourquoi je ne suis pas partie alors ? J’ai lâchement fermé les yeux, j’ai espéré que ça passerait.

    J’ai manqué de courage.

    Et c’est tellement dur maintenant.

    Mais, à qui le dire ?

    Ma maison est devenue ma prison.

    Les enfants ont l’air de bien dormir. Il faut que j’y aille moi aussi car demain commence tôt.

    Elle se lève et vérifie encore une fois qu’elle a bien enlevé la clé dans la serrure. Pour que la porte s’ouvre, plus tard, de l’extérieur. 

 

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L
A sa place, je laisserais les clefs sur la serrure et je prendrais un amant :)
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M
Un petit Coucou en passant!!!<br /> Bonne soirée!!
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P
Triste et beau avec une écriture sobre et réaliste.<br />  
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D
Magnifique, c'est très triste mais tellement réaliste.
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C
Dans la cheminée sautillent les flammes<br /> Qui s'éteignent dans le regard de la femme<br /> Pour un non, elle sauverait son âme<br /> Pour un oui, elle enfoncera la lame<br />  <br /> (Elle et Lui)
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