La femme, au volant de la Fiat, derrière, riait au pare-soleil. Claire regarda mieux. Personne d’autre, dans l’habitacle. Y avait-il un miroir, sur ce pare-soleil? Etait-ce à son reflet qu’elle riait ainsi? Car elle riait. C’était beaucoup plus intense qu’un sourire, même accentué. Un vrai rire avec de petits soubresauts de la tête et du cou. Et c’était bien au pare-soleil, que cela s’adressait : elle le fixait intensément.
Soit elle trouve son pare-soleil irrésistible - un objet gris, en matière plastique - à moins qu’elle n’y ait collé une vignette humoristique? Soit c’est elle-même, qu’elle ne peut apercevoir sans éclater de rire. Une idée passagère? Un souvenir amusant? Non, non: le regard quittait parfois l’objet gris, errait sur le volant, le tableau de bord, le plafond. Le rire s’estompait alors. Il reprenait de plus belle au moment précis où les prunelles se dirigeaient à nouveau vers le pare-soleil.
- Un miroir, décida Claire.
Elle n’en était pas moins étonnée. C’était la première fois qu’elle rencontrait une personne à qui sa réflexion procurait une telle joie. Son visage n’avait rien de comique, d'après ce qu'elle pouvait en percevoir: des traits réguliers, jeunes, des cheveux mi-longs, légèrement bouclés. Pas spécialement belle, pas laide non plus. Rien de spécial, en somme. Ce n’était manifestement pas ainsi qu’elle se voyait.
- Il faudrait que j’essaie, tiens, de me rire ainsi, pensa Claire.