François souffre d’une névrose d’angoisse. C’est une MM.T. : Maladie Maternellement Transmissible. En effet, c’est un mal qui lui vient de sa mère parce qu’il y a des choses qu’elle a omises. Par exemple, elle a oublié de l’embrasser, de le prendre dans ses bras, de le bercer, de lui parler à voix douce, de rire avec lui… Il faut dire qu’elle n’avait pas beaucoup de temps : elle travaillait et elle avait des soucis : il fallait qu’elle se pare de jolies chaussures, d’élégants foulards, de superbes tailleurs, qu’elle trouve la laque d’excellence pour son brushing définitif, l’ architecte le plus original pour sa maison, et le salon estampillé Louis XVI pour recevoir les membres du comité local contre l’enfance malheureuse…Enfin, bref : elle avait peu de temps pour François.
Du coup, il a eu cette maladie. Elle fut diagnostiquée tard. Personne n’avait rien remarqué. Les médecins l’ont prévenu : on ne guérit pas d’une M.M.T.. Ce fut difficile à accepter pour François qui, néanmoins, à force de courage et d’efforts, a réussi à vaincre certains symptômes. Ainsi, il ne se ronge plus les ongles et ne fait plus pipi au lit (Les médecins parlent d’une énurésie nocturne surmontée.) Il a cessé de se cacher sous son lit quand il se sent trop triste.
Mais il lui reste encore quelques séquelles : il vit avec des femmes qui l’aiment mais qu’il n’aime pas « comme les grands », « comme les hommes, les vrais ». François dort avec elles, tout contre elles, même si elles sont un peu vulgaires, peu cultivées, alcooliques, obsessionnelles, maniaques, hyperactives. Il accepte l’ennui assez facilement et s’est habitué à la gêne parce que, au moins, il y a quelqu’un, quelqu’un qui l’appelle, qui lui parle, qui l’attend quelque part. Du coup ,il se sent plus fort, il entreprend plein de choses, il sort les poubelles le cœur léger, il travaille en chantant et repasse en sifflotant. Sur les conseils de son médecin, François a bien essayé de prendre un chien mais c’est pas pareil, c’est moins sociable et, surtout, c’est très délicat pour les vacances. Quoique François n’aime pas trop partir en vacances. C’est toujours compliqué pour lui. En général, les gens adorent partir en vacances, ils se réjouissent à l’idée de partir. Ils en parlent avant, ils en parlent après. Ils sont contents, tout simplement. Mais pour François, c’est plus difficile. Longtemps avant, il est très content. Peu de temps avant, il a mal au ventre, à la tête, à la gorge. La veille, il est couché. Le jour même, il annule.
Mais, depuis peu, François a trouvé un truc. Il a fait appel à un serveur vocal grâce à son téléphone portable. Une voix douce l’appelle quatre fois par jour : le matin, pour savoir s’il a bien pris son petit-déjeuner et lui souhaiter une bonne journée ; à midi, pour lui souhaiter un bon appétit ; en fin d’après-midi, pour savoir s’il a passé une bonne journée (sauf le jeudi parce qu’il est au club de yoga) et le soir, pour lui souhaiter une bonne nuit. Il a choisi la formule « plénitude » avec la formule du soir « Bonne nuit, mon cœur » en supplément. Seulement 3 euros de plus par mois. Il a parlé de sa nouvelle vie à son médecin. Il a ri. Ils ont ri. Qu’est-ce qu’ils ont ri ! Ils ont trouvé un nom à son nouveau traitement : M.M.T.A.M. Maman, Maman, Toujours. Allô, Maman ?