Il reprend un verre de whisky car il en a envie. Il sent moins son corps lourd et se laisse un peu aller dans le fauteuil. La voix sonore
ponctuée de petits rires aigus, il discute avec François et Catherine. « Oh la la, mon frigo a complètement changé ! Il n’y a plus que des légumes, des légumes, des légumes et du
poisson, du poisson et… du poisson. C’est simple, quand j’ouvre la porte le matin, j’ai l’impression de ne pas être chez moi. » Et il rit en reprenant une gorgée de whisky. « Tu n’as
pas des glaçons, Catherine, s’il te plaît ? » L’hôtesse se lève tout de suite. François parle de son nouvel employeur. Il a enfin réussi à se rapprocher de Catherine. Il est content de
ne plus passer ses nuits à l’hôtel. Cela lui devenait vraiment pénible. Catherine a rapporté les glaçons et Antoine en prend plusieurs. « Je te ressers ? » interroge François la
bouteille levée. « Oh, oui, allez ! » répond Antoine en riant. Sa compagne vient de se glisser sur le fauteuil juste à côté du sien après avoir posé son téléphone portable dans son
sac à main. C’est une belle femme à la mode, bronzée, la silhouette fine soulignée par un pantalon serré et de hauts talons. Ses longs cheveux noirs sont denses et brillants. « Moi aussi je
veux bien un autre verre de rosé, s’il te plaît François. –Oui, tout de suite. - Et des glaçons ? – Oui, ils sont là, juste devant toi. » Elle regarde le bol : « Je peux
avoir une petite cuillère pour les prendre ? Evidemment, les hommes, vous les avez pris comme ça. Ça ne vous traverse même pas l’esprit… » Antoine la regarde sans interrompre sa
conversation avec François. Un bonjour enthousiaste et rieur se fait entendre depuis le fond du long couloir de l’appartement. Antoine reconnaît avec joie la voix de son ami d’enfance, son ami de
trente ans. « Salut, mon Tinou – Salut, toi. » Ils s’embrassent affectueusement et bientôt trinquent en cognant leurs verres. Ils rient déjà et sortent leurs cigarettes. « Ha, on
fume maintenant chez vous ? » Le ton est tranchant. Antoine a compris et se lève : sa compagne ne supporte pas la fumée de cigarette. Son ami le suit vers le balcon en lançant dans
un grand éclat de rire : « Oh la casse-couilles ! » Elle reste de glace car elle sait bien qu’elle n’aura pas le dernier mot contre lui et encore moins contre eux deux. Depuis
le salon, ils les entendent rire. Son verre à la main, qu’elle a large, presque masculine, elle discute avec Catherine. Ils reviennent hilares, simplement heureux, comme des enfants. Elle n’a pas
décroisé les jambes. Antoine passe une main sur ses épaules sans qu’elle ne bouge. Il reprend son verre, les yeux vagues. Puis il suit la cambrure de son pied doré à elle. C’est la première fois
qu’il a une femme aux jambes si longues et qui porte des talons aiguilles. Ça le flatte et ça l’excite. D’un geste brusque, il fait s’entrechoquer les glaçons dans son whisky.