La porte

Les grandes étiquettes en carton sont punaisées au mur à hauteur d’enfant. La maîtresse a écrit un mot sur chacune d’une écriture parfaite à la fois régulière, droite et académique. La petite fille est debout près de ces cartons-modèles qui forment une phrase. Elle doit les lire à haute voix. La maîtresse se tient à côté d’elle avec une règle qui désigne. L’enfant ne dit rien. La maîtresse s’accroupit pour mieux la solliciter. « Lis le premier mot. » L’enfant se tait obstinément. Elle a identifié chaque nuance dans la voix de cette femme : l’autorité dure, le désir de soumission, l’agacement en partie maîtrisé. Comment, sa propre fille, devant toute la classe, serait incapable de lire cette phrase ? La petite refuse encore à la deuxième injonction plus menaçante : « Lis le pre-mier mot. » L’enfant a baissé un peu la tête et fixe la porte bleue juste à côté de la première étiquette. C’est un bleu dur, un bleu roi, qu’elle n’aime pas mais c’est une porte. « Lis cette phrase. » La petite finit par s’exécuter, la voix faible.