Elle est assise sur le canapé en
velours. Son visage est doux, sa voix aussi. Elle dit qu’elle aime venir ici. Elle fixe un abat-jour aux couleurs tendres et vives qui dessinent un oiseau bleu. Elle l’a déjà dit. Elle aime parce
qu’il fait chaud, parce que c’est beau. C’est plein aussi et la lumière n’est pas violente. Vous comprenez ? Quand je les regarde-elle parle de ses bébés, des jumeaux-ils sont beaux,
très beaux, vous savez. Ils sont aussi très sages. Je les regarde et j’ai cette phrase qui monte : Mais qu’est-ce que j’ai fait là ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Je l’ai dite
une fois cette phrase. Une fois. Une amie était là. Elle était venue les voir. Ma mère aussi était là. J’ai eu cette phrase. Mon amie a ri et ma mère a dit : Mais qu’est-ce qu’elle
raconte ? Et en même temps, elle remettait bien le napperon en crochet sur le vieux poste de radio. Et c’est tout. Vous comprenez ? Il n’y a qu’ici
que je peux dire ces choses. Elle continue, très calme. Je pense souvent à cette scène d’un film que je n’ai pas vu mais qu’on m’a racontée il y a très longtemps. C’est une femme qui a des
enfants. Elle vit peut-être seule avec eux. Dans une maison, près d’un désert. Je ne sais pas. Elle lutte. Elle a une vie dure. Je ne sais pas contre quoi elle lutte. Mais un jour dans la cuisine
elle ouvre un placard et il y a du sable partout alors qu’elle lutte, elle lutte depuis si longtemps contre ce sable. Mais il est rentré partout, par tous les interstices. Alors elle referme le
placard, elle prend les enfants, elle sort de la maison avec eux, elle les tue et elle se tue. Voilà. C’est le sable. Vous comprenez ?