Le professeur continue la lecture « Le timbre avait tinté de nouveau. Le valet annonça : « Mme de Marelle. »

C’était une petite brune, de celles qu’on appelle des brunettes.

Elle entra d’une allure alerte ; elle semblait dessinée, moulée des pieds à la tête dans une robe sombre toute simple.

Seule une rose rouge, piquée dans ses cheveux noirs, attirait l’œil violemment, semblait marquer sa physionomie, accentuer son caractère spécial, lui donner la note vive et brusque qu’il fallait.

Une fillette en robe courte la suivait. Mme Forestier s’élança :

« Bonjour, Clotilde.

-Bonjour, Madeleine. »

Elles s’embrassèrent. »

Bien, alors, je m’arrête là juste pour vous faire remarquer que Madame de Marelle est l’exact contraire de Madame Forestier. C’est la brune piquante « aux goûts canailles », comme vous le lirez et comprendrez plus tard, face à la blonde glacée, plus cérébrale.

-Elle est plus grasse aussi, dit un élève spontanément dans un sourire.

-Ah, je ne me souviens pas de cela ! Tu es sûr, Romain ?

-Oui, oui.

-Bien, alors, je te crois. De toute façon en lisant, on trouvera, ou pas, la confirmation. Alors, je reprends. « Elles s’embrassèrent. Puis l’enfant tendit son front avec une assurance de grande personne, en prononçant :

« Bonjour, cousine. »

Mme Forestier labaisa ; puis fit les présentations : […] »

Les élèves murmurent, certains rient. Le professeur s’arrête et lance dans un sourire :

« Ah ce mot « baiser » ! Dans quel état vous met-il ! Je vous rassure, Maupassant n’écrit ici rien de vulgaire. Madame Forestier baisa Laurine signifie qu’elle l’embrasse. Le verbe « baiser » signifie au sens premier « embrasser », ou « donner un baiser », ou « poser ses lèvres sur ». Même encore en 2012 ! Si, si, je vous assure ! Ouvrez un dictionnaire de temps en temps ! » Les élèves continuent à s’agiter. « D’ailleurs, s’il y a des hispanisants parmi vous, « embrasser » en Espagnol se dit « besar ». Voilà ! » La salle est joyeuse devant tant de bonnes nouvelles ! « Evidemment, de nos jours, quand vous entendez « je l’ai baisée » avec un « e » d’ailleurs le plus souvent…ce que vous comprenez est très différent…inutile de vous expliquer quoi que ce soit, je suppose ? Les élèves rient et le professeur sourit. « Bon, voilà, la langue est vivante-sans mauvais jeu de mots ! Elle évolue ! C’est sans doute une bonne nouvelle ! » Le professeur laisse passer quelques secondes et rappelle les élèves au travail : « Allez, on reprend ! Le Bac n’est plus que dans quelques semaines et Bel-Ami nous attend ! Allez…chut… « Mme Forestier la baisa [donc] ; puis fit les présentations :

« M.Georges Duroy, un bon camarade de Charles.

« Mme de Marelle, mon amie, un peu ma parente. » […] »

Au même moment, sur les ondes, Marine dit « A l’école, on apprend à lire, à écrire et à compter. On vouvoie la maîtresse. On apprend l’histoire sur des frises et la géographie sur des cartes. Et on chante la Marseillaise ! »

En se baisant ?