Anaëlle, la petite qui grandit, est fatiguée. Seule dans la maison des fous, elle étudie dans sa chambre. Laborieuse et très sérieuse, elle apprend sans relâche car elle sait que la seule issue, c’est l’école. Et elle écrit aussi sur ce qui se passe dans la maison infernale. Pour ne pas totalement basculer ailleurs. Elle écrit surtout sur son père, le monstre froid, soumis, aveugle, occupé que de lui-même et qui a fini par s’aménager, pour lui, une petite niche confortable dans le chaos. C’est à lui qu’elle en veut le plus car lui seul pourrait changer les choses. Mais c’est un faible et la mère rôde et fouille, dans les poches de son mari, et dans les placards de sa chose. Elle trouve, elle lit, et Anaëlle l’a bien compris. Sa mère peut tout faire, tout dire, sans honte-jamais. Anaëlle l’a bien compris aussi. Anaëlle est fatiguée ce mercredi après-midi là. Elle part se promener à la ville et elle ferme sa porte à clé. Elle revient quelques heures plus tard. Dans le bois de la porte, à côté de la serrure, il y a un gros trou. Un impact. D’un maillet ? D’un sabot ? Elle imagine la scène grotesque et terrifiante de la mère hurlante cherchant à défoncer la porte. Anaëlle ouvre avec sa clé. Fatiguée. Fatiguée et silencieuse.