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FRAISE ET CERISE

Blog de brèves nouvelles plutôt humoristiques fraîchement écrites par deux auteurs : Fraise et Cerise.

Stage

Publié le 28 Décembre 2013 par Cerise in nouvelles

Une dizaine d' enseignants autour de tables disposées en rectangle, dans une salle de classe.

MADAME DUBOIS : Bonjour, je me présente, je m'appelle Adeline Dubois et je serai votre formatrice durant ce stage. Je suis moi même enseignante en collège, professeur de lettres et passionnée de théâtre. J'anime un atelier dans mon établissement depuis vingt-deux ans. Le responsable de la formation des enseignants m'a contactée l'année dernière pour me demander de suivre une FA sur le théâtre interactif afin de pouvoir à mon tour guider mes collègues. Voilà pourquoi je suis ici parmi vous.

MONSIEUR BÉNÉDICTE, levant la main : Pardon de vous interrompre, Madame, pourriez-vous préciser ce qu'est une FA ?

MADAME DUBOIS : Oh, mille excuses, c'est vrai que nous avons la manie de parler par acronymes ! Je voulais dire une formation accélérée. Et maintenant, pour commencer, je propose que chacun d'entre vous se présente, dise quelques mots des difficultés qu'il rencontre et ce qu'il attend de ce stage. On fait un tour de table ? Qui commence ?

MONSIEUR PARADE : Euh, pardon, excusez moi, mais ne pourrait-on pas sauter cet épisode? Nous savons tous pourquoi nous sommes là et nous nous doutons bien des motivations des autres stagiaires, c'est une perte de temps... Et si vous commenciez tout de suite à nous expliquer de quoi il s'agit ?

MADAME DUBOIS : Ah non, non, non, non, non, ça ne peut pas se passer comme ça. Il est indispensable que je puisse mieux vous connaître afin d'adapter mon intervention à vos attentes. S'il vous plaît, comprenez que pour vous aussi, c'est un préalable. Ce retour sur les pratiques et sur les attentes va au contraire nous éviter bien des ambiguïtés et nous faire gagner du temps. Et si vous commenciez, Monsieur ? Nous vous écoutons !

MONSIEUR PARADE : Eh bien, alors, je me présente, David Parade, professeur de physique au collège Anatole France, à Fouk sur mer. Je ne rencontre pas de difficultés particulières, en ce qui me concerne, à part une difficulté, peut-être, à comprendre pourquoi tous les stages de formation commencent par un long tour de table qui me paraît inutile et ennuyeux. Mais passons !C'est mon principal qui m'a demandé de participer à ce stage. Il m'a juste dit que c'était un bon moyen de lutter contre la violence au collège. Comme je suis membre du CA...

MADAME DUBOIS : Je vous interromps une minute pour vous remercier d'avoir employé cette expression, « lutter contre la violence ». Je voudrais que vous réfléchissiez tous aux présupposés de cette formule. Si je me prépare à « lutter contre la violence », ne vais-je pas endosser l'armure du guerrier et infuser ma propre violence dans des relations que je cherche pourtant à rendre plus harmonieuses ?

MADAME BÉNÉDICTE : C'est bien dit, mais quelle expression faut-il employer, alors ?

MADAME DUBOIS : Personnellement, je parlerais plutôt de « résoudre les situations de conflit ».

MADAME BÉNÉDICTE : Ah, d'accord, très bien !

MADAME DUBOIS : Mais je vous en prie, Monsieur Parade, continuez. Désolée de vous avoir interrompu.

MONSIEUR PARADE : Pour ma part, j'en ai terminé. J'ai dit ce que j'avais à dire et cède la parole à ma voisine.

MADAME CITRON : Euh, ben, moi, je suis venue parce que j'aime aussi le théâtre et que j'anime aussi un atelier dans mon collège. Alors j'ai pensé que le théâtre interactif intéresserait peut-être mes élèves...

MADAME DUBOIS : Très bien ! Et constatez-vous des événements violents dans votre établissement ?

MADAME CITRON : Ah, euh, non, c'est un petit collège de centre ville, très calme !

MADAME DUBOIS : Ah, c'est embêtant, car, voyez-vous, ce stage est organisé pour aider les collègues confrontés à la violence dans leur établissement...

MADAME CITRON : Oh, désolée ! Je croyais que c'était juste sur le théâtre interactif

MONSIEUR PARADE : Excusez moi, mais le mot « confrontés » n'est-il pas un peu ambigu ? Cela me fait penser à la guerre...

MADAME DUBOIS, à Madame Citron, avec un sourire : Bah, ce n'est pas très grave, de toute façon, la violence ne fait que croître, même dans les collèges de centre ville, ce stage vous sera peut-être utile dès l'année prochaine !

MADAME CITRON : J'espère bien que non !

MADAME DUBOIS, à Monsieur Parade, toujours souriante : Vous avez peut-être raison, Monsieur Parade ; moi, ça me fait penser au vôtre, de front...

MONSIEUR PARADE : Excusez moi, je croyais qu'on avait le droit de donner son avis...

MADAME DUBOIS : Bien sûr, vous avez le droit. Allez, on continue. A vous !

MADAME HORTENSE : Moi ? Je viens d'un collège classé ZEP, alors, de la violence, j'en vois et j'en entends tous les jours.

MADAME DUBOIS : C'est parfait ! En plus, vous venez de dire quelque chose de très intéressant : vous avez dit que vous « entendiez » de la violence. Pouvez-vous préciser ?

MADAME HORTENSE : Je faisais allusion à tout ce que racontent les collègues à la salle des profs...

MADAME DUBOIS : Ah, d'accord, je croyais que vous faisiez référence aux insultes proférées par les élèves.

MADAME HORTENSE :Des insultes ? Non, moi, on ne m'insulte jamais !

MADAME DUBOIS : Ah bon ? Mais pouvez-vous tout de même préciser quel type de violence vous constatez dans votre établissement ?

MADAME HORTENSE : Les élèves se battent pendant les récrés.

MADAME DUBOIS : C'est tout ?

MADAME BOISTEAU : Chez nous, ils se battent même pendant les cours !

MADAME DUBOIS : Attendez, attendez, chacun son tour ! Madame, cette violence se dirige-t-elle parfois contre les enseignants ?

MADAME HORTENSE : Oui, j'ai entendu dire qu'une collègue avait été frappée par le père d'un redoublant.

MADAME DUBOIS : Non, je vous parle de violence d'élèves ! Nous devons rester dans le cadre défini pour ce stage, qui porte, je le rappelle, sur la résolution des situations de violence au sein des établissements par le biais du théâtre interactif!

MADAME HORTENSE : En y réfléchissant, la même collègue a reçu de l'encre sur sa jupe...

MADAME DUBOIS : Et pourquoi cette collègue n'est-elle pas venue ? Elle aurait profité de ce stage !

MADAME HORTENSE : Elle est là, à côté de moi !

MADAME DUBOIS : Ah bon ? Alors, laissez la s'exprimer.

MADAME PARIS : Euh, oui, c'est vrai, le père d'un de mes élèves m'a donné une gifle la semaine dernière.

MADAME DUBOIS : Non, attention, on ne parle pas ici de la violence des parents, mais de celle des élèves ! Pourquoi pensez-vous que ces élèves vous ont jeté de l'encre sur la jupe ?

MADAME PARIS : Comment voulez-vous que je le sache ? Ça les amusait, je suppose...

MADAME DUBOIS : Vous êtes-vous montrée vous même violente avec vos élèves ?

MADAME PARIS : Moi ? Mais non !

MONSIEUR PARADE : Excusez moi encore une fois, mais je trouve insupportable votre façon de parler à cette jeune collègue ! Vous insinuez qu'elle est coupable d'avoir reçu cette encre ? Vous pourriez montrer un minimum de compassion !

MADAME DUBOIS : Mais comment voulez-vous qu'on avance si on n'analyse pas les raisons de cet acte ?

MADAME DUREUIL : Il a raison ! Vous êtes agressive ! Et nous, les profs, nous en avons assez qu'on nous rende coupables de tout !

MADAME DUBOIS : Je vois que la mayonnaise prend ! Cela augure très bien de la suite ! On sent parfaitement toute cette violence et ce stress qui rongent les établissements !

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