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FRAISE ET CERISE

Blog de brèves nouvelles plutôt humoristiques fraîchement écrites par deux auteurs : Fraise et Cerise.

Réflexions

Publié le 25 Juin 2009 par Fraise in nouvelles

Le docteur est assis derrière son bureau. Son fauteuil est légèrement basculé. Il a le bras droit posé sur l'accoudoir. « Vous savez, monsieur Cipron, c'est difficile de vivre. Je crois que c'est quelque chose que vous évaluez seulement maintenant. Moi, je l'ai compris très tôt, trop tôt. En terme médical on parle de « surcharges de responsabilités prématurées ».

Le docteur s'interrompt et se redresse sur son siège. Il pose ses deux bras sur le bureau. « Ça n'a pas beaucoup d'intérêts cette précocité. Ça m'a valu des années de dépression et une posture où j'ai longtemps cherché à être consolé d'être vivant. Vous voyez ? Mais quand on arrive à dépasser cet état, on se sent libre, heureux. On jouit littéralement d'être vivant. Vous comprenez ? » Le docteur concentre son regard sur ses mains. « C'est-à-dire que l'on ne gâche plus la vie. Vous savez, l'être humain, l'existence, la relation à l'autre, c'est tellement fragile, tout ça... » Le docteur soupire. « L'autre intérêt c'est que l'on fait plus attention aux autres. On est plus à l'écoute et plus à même de recevoir la souffrance de l'autre et de l'aider. J'ai souvent pensé que la dépression est un mal nécessaire. Mais faut-il encore être dans une démarche de remise en cause de soi. Si j'osais, je vous dirais que, lorsque vous êtes venu au tout début dans mon cabinet, vous m'avez dit « je crois que je suis un beauf, docteur. » J'ai aimé ce moment. Comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de vous dire que je vous considère comme un beauf. Mais j'ai aimé que vous ayez ce regard critique sur vous-même. Il me semble que c'est la meilleure voie à prendre. Mais il n'est pas nécessaire de constamment s'auto-flageller, de se dénigrer systématiquement. Je suis convaincu que vous avez des qualités immenses, mais vous avez aussi de belles failles. Si vous vous en approchiez, ce serait bien. » Il rajoute : « On ne peut pas vivre à côté de soi toute sa vie. Il faut bien un jour se rencontrer.»

Le petit docteur se lève d'un coup de son fauteuil. Il n'y a personne en face de lui, personne dans le cabinet. Il tourne la tête vers la fenêtre et fait un clin d'œil au lapin de madame Berger : « Il serait pas un peu schizo., le docteur, hein, Panpan ? »

Il avance vers la porte en se massant les cervicales de la main gauche : « Allez ! A nous deux maintenant, monsieur Cipron ! ».

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