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FRAISE ET CERISE

Blog de brèves nouvelles plutôt humoristiques fraîchement écrites par deux auteurs : Fraise et Cerise.

Le mariage

Publié le 28 Juin 2007 par Fraise in nouvelles

Aujourd’hui, c’est jour de fête : Valérie et Stéphane se marient. Seul le marié est là, avec nous. On attend tous la mariée. Il n’a pas vu sa future épouse depuis la veille ; tradition oblige. Il est vraiment tendu, il est heureux bien sûr, mais il n’est pas très à l’aise avec tous ces tralalas…Tu comprends, Valérie a tellement insisté ! Jamais j’avais compris à quel point c’était important pour elle ! Mais, pour moi… c’est un scénario bizarre. Huit ans de vie commune, un enfant, voilà…le mariage, vraiment, je n’y avais jamais pensé.

Je vois  bien qu’il est fébrile. Et s’il savait dans quel état je suis, moi ! Quand on divorce, les mariages, on s’en passerait…Et puis, je ne sais pas si Richard va venir. Je sais juste qu’il a été invité. Je transpire, c’est affreux. J’ai les pieds trempés, le cœur qui bat trop fort. Il faut que je me ressaisisse. Personne ne doit me voir dans cet état… J’ai une idée : puisque c’est la fête, je vais m’amuser moi aussi. Et si on jouait, en attendant la mariée ? Ouais, c’est pas idiot, ton truc, mais on joue à quoi ? Je sais pas…je réfléchis… Stéphane fait les cents pas. Son meilleur ami est à côté de lui. Je fixe ses chaussures et ramasse une grosse lettre. Ah, mais ça y est, je l’ai mon jeu ! On va jouer au jeu des marques et c’est parti! 

 

 

 

 

« -Le gros G. donc, par terre ? 

 

-Ça je sais : c’est Gucci. 

 

-Bien. Et le L V. à dix heures sur le sac orange en forme de baguette, tout à fait ridicule d’ailleurs ? 

 

-Facile : Louis Vuiton. 

 

-Très bien. Les deux C sur la branche de la lunette à 9 heures ? 

 

-Là, il ne faut pas me prendre pour une débile : c’est Coco Chanel. Et je sais même pourquoi elle s’appelait Coco, c’est parce que bien avant d’être… 

 

-Oui, merci, on continue. Un peu d’attention, et surtout pas de dispersion culturelle. Maintenant, à 7 heures et à 10 heures le H sur la ceinture du monsieur, et au poignet de la dame, et du monsieur d’ailleurs, et, tiens, du petit garçon à 3 heures ? 

 

-Euh…Mince alors…Je sais, je sais, mais ça ne vient pas…Ah ! ça y est : Hermès ! Oui, mais là c’était plus dur, c’est toujours plus dur avec le H, parce qu’on ne l’entend pas. D’ailleurs, c’est amusant, j’ai lu récemment que Hermès était évidemment le messager des dieux, le dieu du commerce, mais aussi, et c’est plutôt drôle, des…Ah oui, c’est vrai, ça ne fait pas partie du jeu. » 

 

J’ai bloqué définitivement sur un D entremêlé à un G à un poignet. Mais je pense que tout s’est brouillé parce que derrière, il y avait juste un énorme B à côté d’un M et d’un W. 

 

« Héloïse, Héloïse, tu viens ? » C’est Francine qui m’appelle. Tiens, c’est bizarre ! Mais qu’est-ce qu’elle a dans les cheveux ? Un N et un R sur un bandeau en organdi. Là, je ne vois pas du tout. « Mais, tu viens ? » Je sens qu’elle est agacée : « On ne verra rien. J’y vais, moi. Tant pis pour toi. Je veux être sur les photos à côté des mariés ». Sacrée Francine ! Elle est tout excitée. Elle aime tellement tout cela, Francine, les mariages, les belles réceptions, les beaux habits, les bonnes manières, le luxe, le bonheur, le sucre, les livres…Euh, non, pas les livres. Seulement jusqu’à sucre. 

 

Bien, donc, j’ai complètement raté l’arrivée de la mariée avec mes lettres. Je rentre, discrètement dans la petite salle de la mairie de Vipru et me colle contre le mur. J’essaie de me concentrer sur les paroles du maire :  « …réunis pour unir enfin Valérie et Stéphane. Et nous sommes particulièrement heureux parce que ces deux-là nous ont fait attendre ; on peut dire qu’ils ont pris leur temps. Mais il a fini par le cracher son oui, notre cher Stéphane. » Je ne vois toujours pas Richard. Je pense qu’il ne viendra pas. En fait, c’est un vrai dégonflé. Il savait que je serai là, que je ne pouvais pas faire autrement. Alors, il a dû s’inventer un « week-end d’affaires in-con-tour-na-ble ». Ca, il sait bien faire. Je me demande ce que ça me fait qu’il ne soit pas là. J’ai pas très envie d’être déçue mais je crois que j’ai une douleur dans le cœur qui me dit que je le suis. « Il l’a bien examinée sa Valérie, avant. Et il a vite vu qu’elle avait un beau… » Je te revois, mon Richard, le jour de notre mariage. T’étais magnifique, mince, musclé, bronzé. T’étais fier aussi, devant tes parents. Tu leur avais trouvé une femme que tu trouvais « divine » à l’époque, et une intello. Le rêve de ta mère ! Je me souviens comme tu avais chaud dans ton costume à queue de pie. C’est incroyable comme on était amoureux ! « D’ailleurs il ne lui a pas obturé que ça ! Non, non, non ! » J’ai de plus en plus chaud. C’est sans doute l’effet des souvenirs et du discours lamentable de monsieur le maire avec sa cravate pleine de Y, de S, de L. « Et c’est comme ça que ça a commencé entre Valérie et Stéphane. Il faut dire qu’elle avait bien repéré son affaire, Valérie. Elle avait bien étudié son dossier. Le contrat était solide et, en business, elle s’y connaît. Elle en signe tellement des papiers, cette comptable, qu’elle sait faire attention. Et donc voilà, qu’en ce jour…. » Je n’écoute plus rien. Je ne me sens vraiment pas bien. Il faut que je me fixe sur un visage. Tiens, il y a Jeanne là-bas. Elle me semble bizarre, toute triste. Elle a une très jolie robe gris perle avec un beau collier en cristal mais il y a des larmes plein ses yeux. Elle entortille un kleenex autour de ses doigts. Aïe, aïe, aïe… Ca ne ressemble pas à de la joie tout ça ! Mais qu’est-ce que c’est que ce mariage ?  Il faut dire que les gens ne se rendent pas compte ! Ils imposent leur bonheur aux autres comme ça. Ils nous le lancent à la gueule et puis nous, si on va pas bien, ils s’en foutent pas mal ! Non, non, il faut que je me calme, ça va me faire encore plus transpirer des pieds et puis c’est comme ça ! je vais tout de même pas aller engueuler les mariés parce qu’ils sont heureux ! De toute façon, dans la vie, tout est une question de patience et de point de vue. Il faut que je change mon regard sur le monde, il faut que je me dise que ça va, que ça ira de mieux en mieux….et il faut surtout que je reprenne mon jeu de tout à l’heure ; c’est encore ce qui m’a le mieux réussi depuis que je suis là. Concentre-toi sur les lettres rebelles : D et G, et,  N et R. Je sèche toujours. Tout le monde applaudit. Ils sont mariés ! Retour sur la place. Francine vient vers moi : « Ohlala, ce maire, il était GE-NIAL ! Il était vraiment EXTRA ! Ohlala !… Tu n’as pas trouvé, ma chérie ?

-Si, si, dis-je très lâchement 

 

-Ça ne va pas ? 

 

-Si, si, mais… je…je- (je me sens un peu embarrassée)- je peux te demander quelque chose ? 

 

-Oui, bien sûr. Quoi ? 

 

-Ton N et ton R, c’est quoi au juste ? » 

 

Alors là, Francine m’offre un immense sourire et les yeux tout brillants d’excitation : « Tu aimes ? 

 

-Oui, oui, bien sûr, c’est très beau. » Deuxième affirmation éhontée de ma part. Je ne suis pas fière de moi en ce jour, Seigneur. 

 

« Alors, tu vois, c’est juste une petite fantaisie que je me suis offerte. J’ai vu ça dans Paris Match. Tout le monde le fait maintenant…Ce sont mes initiales, enfin, pas tout à fait mais bon si tu veux ça fait Nadine de Rotschid, tu vois ? N R Francine Rioux Nadine de Rotschild… » Là, Nadine- euh, non, Francine- me fait un superbe sourire. Je la sens heureuse. Et elle l’est, c’est sûr. Et je l’aime bien quand même, ma Francine. Depuis le temps qu’on se connaît ! 

 

Je crois qu’il faut que je boive quelque chose. Et de l’alcool de préférence ! Avec Francine et Jeanne on se dirige vers le banquet dressé derrière la mairie, dans le jardin. Il y a un homme pile en face de nous, visage bronzé, sourire aux lèvres, grand, légèrement ventru. C’est Richard. Il y a une femme à côté de lui. Au jugé : un mètre soixante dix, cinquante cinq kilos, magnifique. Elle a sa main sur son épaule. Une bague énorme. Pas de lettre. Je ne vais pas bien du tout. J’ai très envie de vomir et mon cœur va exploser et je glisse dans mes chaussures tellement j’ai les pieds trempés. Jeanne me regarde et là, elle pleure comme une fontaine, en jet continu, sans un hoquet. Francine se précipite sur Richard : « Waouh, Richard ! Tu es superbe ! Mais tu rentres de vacances, ma parole ! ? » 

 

Je me tourne légèrement vers Jeanne et la soutient par le bras. Richard s’avance vers moi, triomphant. Je l’embrasse, naturellement, et lui bafoue un : « Aide-moi. Jeanne ne va pas bien. On va l’asseoir à l’ombre, discrètement. Pas la peine d’attirer l’attention. » Et Richard lui prend l’autre bras. Installée sur un banc, Jeanne murmure quelques excuses. Je suis allé nous chercher deux coupes de champagne. « Merci Richard. Tu peux nous laisser. Je vais m’occuper d’elle. » 

 

Analyse rapide de la situation : la bêtise de Francine et la décompensation de Jeanne m’ont littéralement sauvée. En fait Jeanne a décompensé à ma place, par empathie peut-être ? C’est sympa. Du coup, mon Richard, qui voulait m’exploser avec sa nouvelle greluche et se la jouer super cool, s’est retrouvé à jouer avec moi les saint-Bernard, et sa radasse est restée en plan comme une conne. Bien fait ! 

 

Analyse plus fine, à l’aide de la deuxième coupette, puisque Jeanne refuse de boire : 

 

Richard est un pervers : il a voulu me faire souffrir. 

 

Je ne suis pas du tout guérie : j’ai mal partout dans le cœur. Comment c’est possible que j’aime encore ce salaud ? 

 

Mais si Richard veut me faire tant de mal, c’est qu’il n’est peut-être pas bien du tout, lui aussi… 

 

« Tu veux que je te ramène, Jeanne ? » 

 

Elle n’attend que cela. Et ça m’arrange bien, je dois dire. Nous voilà dans ma voiture, silence complet. On pleure toutes les deux. Je n’ai pas envie de rester seule. Je demande à Jeanne si elle veut venir chez moi : j’ai du champagne et plein de caisses de vin, toutes piquées à Richard. Je me force à rire un peu et elle m’imite entre des hoquets de douleur. Je sens qu’on n’a pas fini notre journée toutes les deux !

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A
comme je suis contente de vous retrouver.Tres gros bisousAnnie
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C
Salut Annie! Eh oui, on a un peu plus de temps!
G
je passe et je me dis jvé lire l'article aujourd'hui et puis j'arrive jamais a aller jusqu'au bout jsuis trop feneant mais jsuis sur que c'est bien... bisous...
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K
la même scène mais du point de vue de Francine dis stp !
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C
Fraise m'a dit qu'elle déclarait forfait ;-)