Rédaction : mon plus beau souvenir
C’était un dimanche, je crois, non un mardi après l’école, et mon père avait gagné un canard, ou une oie, je ne sais plus, à la foire.
Mon père était allé à la foire pendant que nous étions à l’école, ma sœur et moi, et ma mère, pas contente, lui disait : « tout ce que tu trouves à faire, c’est aller à la foire ? ». Et mon père répondait « oui » en souriant comme un enfant malade.
Il avait gagné le canard, ou l’oie, au tir à la carabine, en faisant éclater des ballons de toutes les couleurs pendant que j’ avais un contrôle de maths sur les fractions.
Ce qui énervait surtout ma mère, c’était que le canard était vivant et que mon père ne voulait pas le tuer. Il disait qu’il avait une lueur dans l’œil droit qui rendait cela impossible.
Alors il est allé à la salle de bain avec le volatile sous le bras qui jacassait et remuait ses ailes, il a rempli la baignoire d’eau froide, et puis il a posé le canard sur l’eau pour voir s’il flottait, et oui, il flottait. Le canard s’est mis à nager en rond à toute vitesse dans la baignoire. On voyait très bien ses pattes qui avançaient et reculaient. Il poussait de petits caquètements inquiets en nous jetant des coups d’œil comme s’il n’osait pas nous regarder trop longtemps. Il ouvrait grand les yeux si bien qu’on voyait plein de blanc autour, ce qui lui donnait l’air fou ou malade.
Finalement, mon père l’a tué (obligé) et on l’a mangé le lendemain. Il était un peu dur, mais très bon.