Pull-over

Et bien sûr il y a eu… Ses yeux semblent se reculer. Pauline est morte cette année-là. Je me souviens qu’il faisait beau dehors. J’avais juste un jean et un tee-shirt. J’avais enlevé mon pull-over parce que j’avais trop chaud et parce que Pauline avait la peau si fine que la laine irritait ses petites joues. Je suis allé dans la chambre et… C’est étrange, mais j’y avais tellement pensé avant. J’en avais toujours eu peur pour les bébés des autres. Alors, pour mes enfants !… Ses petites mains étaient déjà toutes froides et marbrées dans mes grandes mains chaudes et bronzées. Cette douleur-là n’est pas supportable…Je ne me souviens plus de grand-chose. Je sais juste que je ne voulais plus parler. Et je n’ai plus parlé pendant des semaines. La vie n’avait plus de sens-elle n’en a sans doute pas beaucoup d’ailleurs-alors,… les mots… J’avais beau me dire qu’il y avait ma femme et les petites, que pour elles aussi c’était terrible. Mais, je ne pouvais pas. Plus tard, ma femme a organisé des vacances à la montagne. Elle jouait avec les enfants. Moi pas. Et, un soir, j’ai quitté le chalet pour les rejoindre. J’avais pris des pull-overs en plus pour les petites. Et j’ai dit à ma femme : « Je ne voulais pas qu’elles aient froid. »

Mais tout cela est très loin, n’est-ce pas ? Très loin.

Son sourire est las.